Le texte que tout Haïtien devrait lire
par: Max Dorismond mx20005@yahoo.ca
Personnellement, je privilégie les textes au lieu d'un livre. Le message d’un texte étant plus convivial dans un monde hyperactif où nous ne daignons prendre le temps de vivre, voire s’instruire. La souplesse d’un texte sur les interfaces électroniques permet, à nos contemporains, l'espace d'un flash, de saisir l'insaisissable et de comprendre l'incompréhensible.
Cet auteur, Claude Ribbe, dont je vous en ai déjà entretenu par le passé à propos de son combat pour la reconnaissance du génocide que fut l'esclavage, a porté l'Europe et principalement la France à prendre conscience de ce crime contre l'humanité. Pour commémorer cette date historique, 10 mai 2010, Il a trouvé le mot exact pour réunir dans une sorte de fraternité, descendants d'esclavagistes et d'esclaves.
Par contre, chez-nous, on est encore au stade de sauvages. Un pays foncièrement divisé et où la frustration a un nom: Haïti. N'importe qui, raciste ou non, imbécile ou idiot, lirait la pensée de Ribbe aujourd'hui, trouverait le sens de la bêtise humaine et déploierait un effort surhumain pour changer l'ordre des choses. il est des situations, créées de toutes pièces pour abêtir un premier au bénéfice d’un second. La subtilité de cette création peut facilement nous glisser sous le nez pour échapper à notre entendement.
Inconscient de la méprise, nous voilà en train de nous bomber le torse au nom d'une race supérieure. Attention! Certains ont utilisé notre ignorance pour parvenir à leurs fins. Dans son texte, Claude Ribbe a mis les pendules à l'heure. Ce qui peut atténuer la rage des frustrés et éclairer l'esprit des obscurantistes.
D'autres écrivains de chez-nous et ailleurs avaient essayé de nous ouvrir les yeux. Citons entre autres, Price-Mars, Anténor Firmin, Aimé Césaire, Senghor...etc. Mais, comment comprendre quand la langue dans laquelle, ces explications distillées, n'est pas accessible à tous? Je souhaite que les médias parlés d'Haïti puissent lire et expliquer en capsules le texte de Claude Ribbe pour la commémoration de l'esclavage dans la langue de chez-nous, c'est-à-dire: EN CRÉOLE.
COMMEMORATION
DE L'ESCLAVAGE DU 10 MAI 2013
par:
Claude RIBBE
Commémorer, cela veut dire se
souvenir ensemble. Aujourd'hui, ensemble, nous nous souvenons de l'esclavage
qui, du 15e au 19e siècle, a dévasté deux continents -
l'Afrique et l'Amérique- pour enrichir un troisième : l'Europe.
Ce n'est pas seulement l'abolition
que nous célébrons aujourd'hui mais c'est surtout la reconnaissance par la
Nation d'un crime contre l'humanité perpétré au nom de l'idée de race contre le
continent d'où l'humanité st issue. C'est pourquoi il importe que ce mot de
race soit retiré de notre constitution où il n'a absolument pas sa place.
Le retrait du mot ne fera évidemment
pas disparaître le préjugé, mais cette décision montrera que la Nation ne le
partage pas. Et ce sera un grand pas en avant.
Les plus racistes d'entre les
Français, les plus aveuglés, soutiendront que si la constitution ne précise pas
que tous les citoyens sont égaux «sans distinction de race», alors de telles
distinctions auront force légale. Et beaucoup de nos concitoyens pensent que
les races humaines existent mais que cette réalité ne doit pas entraîner de
différence dans l'application de la loi.
Malheureusement, le préjugé n'est
pas seulement dans l'affirmation que des races sont supérieures à d'autres,
mais dans la simple affirmation qu'il existe différentes races d'hommes. Car
l'idée de race n'a de sens que pour les animaux. C'est pour justifier la
pratique de l'esclavage que cette idée, au 17e siècle, a été étendue
aux hommes, en plaçant les Africains subsahariens au plus bas degré de
l'échelle humaine, c'est-à-dire près des animaux. La race a été d'emblée
confondue avec l'apparence. Les Européens esclavagistes se sont désignés
«blancs» et ont appelé «noirs» leur victimes potentielles. Car dès lors tout
«noir» était par nature un esclave. Cette monstrueuse simplification a permis
quatre siècles d'esclavage et un siècle de colonialisme.
Renforcée par les élucubrations de
scientifiques plus soucieux de justifier leurs préjugés que de faire avancer la
connaissance, elle a été assez efficace pour qu'aujourd'hui encore, sous
prétexte de lutter contre les discriminations, certains non seulement se
désignent comme noirs, mais tentent de parler au nom d'une communauté qui
n'existe que dans les fantasmes des racistes. Les racistes de toutes couleurs
ont tort de se réclamer de la négritude, citant Césaire ou Senghor.
L'idée de négritude est une formule
littéraire des années trente inventée à une époque où tout le monde était
convaincu de la réalité scientifique des races humaines. Elle n'a jamais permis
de faire reculer le préjugé de race. Tel n'était pas d'ailleurs son propos. On
a voulu réduire Césaire à la négritude, comme s'il était le chantre de l'idée
de race, ce qui est un contresens. Se servir de Césaire pour justifier le
racisme est la pire manière de salir sa mémoire. Dès que l'on affirme
l'existence de race humaine, le racisme est là car on affirme forcément, du
même coup, la supériorité de la «race» à laquelle on prétend appartenir.
Dès que l'idée de race humaine
apparaît, on a beau affirmer que les races sont égales, l'affirmation implicite
que certaines races sont plus égales que d'autres est sous-jacente. C'est
pourquoi affirmer l'égalité de tous devant la loi sans distinction de race est
une manière insidieuse de sous-entendre que l'égalité devant la loi peut
coexister avec l'inégalité dans les faits. Cette situation, nous la connaissons
bien, et, pour ma part, je la combats.
L'égalité de tous devant la loi sera
suffisamment garantie en affirmant que tous les citoyens sont égaux sans
distinction d'origine, réelle ou supposée. C'est pour ces raisons que le
retrait du mot race de la constitution française sera une avancée historique à
laquelle devront contribuer les élus de toutes opinions qui partagent les
valeurs de la République française.
Le combat contre le racisme, dont le
retrait du mot race de la constitution est un épisode majeur, est l'un des
moyens pour la Nation - l'un des moyens mais pas le seul - de réparer le
préjudice subi par les victimes du crime dont nous honorons aujourd'hui la
mémoire. La question de la réparation pour l'esclavage, au lieu de servir de
faire-valoir à des associations fondée justement sur l'idée de race, devrait
pouvoir trouver sa place dans le cadre des institutions consacrées à l'histoire
et à la mémoire de l'esclavage auxquelles la loi a confié le soin de faire
toutes propositions au gouvernement.
La commémoration de l'esclavage
n'est pas une journée de haine. C'est un moment de fraternité républicaine pour
rappeler à tous les Français qu'ils ont en commun une même vision du monde qui
va bien au-delà de l'apparence et de la couleur de la peau.
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